lundi 24 février 2020

Être écrivaine et autiste : petit guide à l'usage des neurotypiques

À la veille de la publication de son premier roman, Valérie Jessica Laporte a « le cerveau qui frissonne et les dents qui chatouillent. »
Il y a un peu plus de 10 ans, l'artiste multidisciplinaire a choisi de vivre au Saguenay pour « le rythme de vie et la patience des gens ».
Car cette mère de trois ados est aussi autiste, et cela influence tous les aspects de sa vie.
Elle explique qu'elle a besoin d’une quantité faramineuse de temps seule. Elle exerce donc son métier de designer graphique de la maison, ce qui lui permet de se reposer des stimuli et des interactions sociales tout en gagnant sa vie.
Les humains, c’est comme le chocolat, je les aime, beaucoup même, mais trop à la fois ou trop souvent, ça ne fonctionne simplement pas.


Valérie Jessica Laporte
Parallèlement à son travail en graphisme, Valérie Jessica Laporte pratique la photographie depuis quelques années et écrit. Elle tient un blogue, Au royaume d'une Asperger, dans lequel elle raconte son quotidien.
Des dés à jouer noirs et bleus alignés de façon régulière sur un fond blanc à petites croix noires.
Un exemple d'alignement de dés photographié par Valérie Jessica Laporte    Photo : Suite dans les idées/Valérie Laporte
En 2018, elle a soumis au Prix de la nouvelle Radio-Canada un texte très original qui nous plonge dans l'univers d’une enfant autiste. Sa nouvelle Méconnaissable a su impressionner le jury du prix et lui a valu une place de finaliste.

La différence comme moteur de création

Selon l'autrice, le fait d'être une personne autiste influence tous les aspects de sa vie et de sa personnalité. Aujourd'hui, elle l'assume pleinement et en fait un moteur de création.


Valérie Jessica Laporte de dos bras écartés face à une étendue d'eau, vêtue d'un manteau et de mitaines blanches, avec une tuque et un foulard bleus.Valérie Jessica Laporte   Photo : Alain Corneau
J’ai tenté longtemps d’être une pâle copie de ce que vous êtes. Je croyais qu’il était préférable que je sois plus proche de la normalité. Les gens qui m’entourent m’ont encouragée à libérer celle que je muselais et ils m’ont convaincue que, non seulement ils allaient m’aimer quand même, mais que j’allais me sentir mieux.


Valérie Jessica Laporte
Depuis, sa créativité est en ébullition! Elle photographie comme elle voit et comme elle sent, les détails avant tout.
Même chose pour l'écriture; elle écrit comme elle pense. Son traitement de l’information si particulier et ses perceptions d’apparence étrange pour les personnes neurotypiques rendent ses œuvres uniques.

Des rituels indispensables

On cite souvent de façon plaisante les rituels des écrivains et leurs manies d'artistes, mais chez Valérie Jessica Laporte, ces rituels sont indispensables pour pouvoir créer. Elle a accepté de nous ouvrir un pan de son intimité en nous les présentant :
  • Je n’écris pas dans la pièce dans laquelle je travaille.
  • Je tresse mes cheveux pour éviter qu’ils me sollicitent.
  • Je m’installe toujours à la même place à table, dans la salle à manger, près des fenêtres, dans la même position que lorsque je classe et traite mes photos afin que le processus demeure ludique.
  • Je dépose mes énormes écouteurs sur ma tête pour bien enrober mon cerveau et éviter qu’il se sauve un peu partout.
  • Je rapatrie mon corps habituellement à l’aide d’une grosse couverture et je dépose, au besoin, un toutou lourd (et chauffant) sur moi.
  • Je retire mes souliers énergisants, car sinon, je sens toujours que les lacets n’offrent pas une pression égale.
  • Je dois avoir les mains douces, exemptes d’humidité et des vêtements non agressants.
  • Je place mon café à gauche et dépose mes jambes sur une autre chaise pour les retirer du sol ferme.
  • Je consolide ma bulle et demande aux enfants de me laisser la préserver.
Ensuite les mots sortent. Valérie Jessica Laporte les regarde, les lit et elle est surprise chaque fois d’en être l’autrice. N'ayant aucune formation littéraire, à part la lecture, elle a longtemps douté de ses capacités. Jusqu'à ce qu'elle soit finaliste du Prix de la nouvelle Radio-Canada.
[Ça m'a donné] une envie irrésistible de transformer en roman cette nouvelle qui s’est fait dire : "Oui, tu as le droit".


Valérie Jessica Laporte
Mission accomplie! Sa nouvelle est devenue un roman qui sera publié en mars 2020 chez Libre Expression.
Montage présentant la couverrture et la quatrième de couverture du livre  méconnaissable
Autiste, Valérie Jessica Laporte a été finaliste du Prix de la nouvelle Radio-Canada en 2018 et publiera en mars 2020 son premier roman   Photo : Libre Expression
Source: Radio CanadaPublié le vendredi 26 octobre 2018 à 11 h 04Mis à jour le 26 octobre 2018 à 16 h 43

lundi 17 février 2020



Quelqu’un me tend la main. C’est notre première rencontre. Je lui… Je lui tends la mienne. Ça m’a pris une fraction de seconde de plus que la majorité des gens. J’ai la main droite un peu croche. Elle ne se déplie pas gracieusement. Vice de fabrication.
       
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Stéphane LaporteSTÉPHANE LAPORTE
COLLABORATION SPÉCIALE
Si l’usage social était de donner la main gauche, je serais aussi rapide que n’importe qui, mais c’est la droite que l’on donne. Pas de chance. Alors, ce geste banal que l’on fait à répétition durant une journée devient pour moi un moment fatidique. Stressant comme une audition.
Souvent, la légère hésitation qui précède l’ouverture de ma main déstabilise la personne devant moi. De l’incompréhension apparaît dans ses yeux. Normal. Elle se demande ce que j’ai. Mais ce regard-là, pour moi, c’est un jugement. Surtout qu’on dirait qu’il y a, au fond, de la déception. Je ne savais pas qu’il était comme ça. Et plus ce regard est présent, moins ma main se détend. Le malaise est toujours crispant. Ça dure le temps d’une seconde, mais pour moi, c’est le temps d’une vie. Je ressens comme une bouffée d’insécurité. Le sentiment perdant d’avoir raté ma première impression. Un à zéro pour la fatalité.
Il y en a, pour bien faire, qui retirent leur main et font comme si de rien n’était. D’autres me serrent le poignet. Je n’aime pas ça. Je suis capable de donner la main. Ça me prend juste une fraction de seconde de plus que vous. Parfois, même pas. Alors, laissez-la là.
Il y en a, parmi les gens que je croise plus souvent, qui ont réglé le problème, ils ne me donnent plus la main. Je n’aime pas ça non plus. Ça me frustre. Mais je ne peux pas leur en vouloir. Ils font ça pour bien faire. Croyant m’aider. Ça me frustre encore plus. Il n’y a rien de plus frustrant que d’être frustré, sans pouvoir en vouloir à quelqu’un  ! Je ne peux même pas m’en vouloir à moi. Ce n’est pas de ma faute. Et je le sais bien.
Je sais aussi que ce n’est pas si important que ça. Qu’il faut que j’en revienne. Qu’après la poignée de main, il y a la vraie rencontre. L’échange. Que c’est là que tout se joue. N’empêche que le premier geste n’est jamais anodin. Parce qu’il est le premier. Mais je suis prêt à ramer. À deux mains. Pour qu’il soit loin derrière nous.
Il y a aussi des inconnus avec qui ça va tout seul. Ils me tendent la main, je leur tends la mienne. Bonjour, bonjour. Leur regard ne change pas. Tout est beau. Tout est normal. On enchaîne. Ça doit être une question de personnalités. D’atomes crochus. D’atomes crochus se moulant avec une main crochue.
Chaque poignée de main que je partage me permet de constater le rapport que les gens ont avec la différence. Il y en a que ça surprend, d’autres que ça arrête, et d’autres qui ne la voient même pas.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réaction. Chacun rencontre la différence avec son histoire à lui. Avec son armure et son ouverture. L’important, c’est de se tendre la main. L’important, c’est de se rencontrer.
J’ai la chance d’avoir un bien petit problème. J’ai la chance d’avoir plein de mains tendues autour de moi. Ce n’est pas le cas de tout le monde.
Voilà pourquoi je suis, pour la cinquième édition consécutive, le porte-parole du prix À part entière. Cette initiative de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) récompense les individus et les organisations qui contribuent à accroître la participation sociale des personnes handicapées. On récompense les gens qui font de bons films ou de bonnes chansons, il est temps de récompenser, aussi, les gens qui font de bonnes actions.
Au Québec, 16 % de la population âgée de 15 ans et plus souffre d’une incapacité. C’est plus de 1 million de personnes. Elles ont beau être nombreuses, elles sont souvent isolées, exclues du monde autour.
La moitié des personnes handicapées, aptes à travailler, ne travaillent pas. Pourtant, il y a un manque de main-d’œuvre criant chez nous.
Les préjugés qui font qu’on met de côté les pas comme nous, faut les faire tomber. Certains consacrent temps et efforts à cette mission. Les prix qui leur seront remis au Parlement l’automne prochain, c’est pour inspirer tous les autres à faire comme eux. La période d’inscription se termine le 24 avril. Tous les détails sont sur le site de l’OPHQ.
Peu importe la façon dont une main nous est tendue, il faut la serrer. Et ainsi conclure le pacte qui lie tous les êtres humains. Celui de s’aider. S’aider à mieux vivre. S’aider à survivre.
Source: La Presse

lundi 10 février 2020



On a complété une autre re-re-re-lecture de notre roman policier avant de le remettre à la maison d'édition!

L'intrigue est conduite en tenant compte de tout ce qui a été créé l'été dernier avec nos jeunes écrivian.e.s!  

En filigrane, les liens d'une amitié solide, un chien attachant et une histoire de coeur secrète.

Le rythme du roman est vraiment bon!!  Tout est bien installé dès les premiers paragraphes. On ne peut pas faire autrement que de continuer.  

Le vocabulaire est riche, l'humour est présent et chaque personnage est bien vivant. 

On pourrait même en faire un vrai bon film! 

Mais auparavant, d'ici quelques mois, vous pourrez tenir notre livre dans vos mains!

lundi 3 février 2020

Notre livre verra le jour bientôt!!

L'écriture du roman s'est enfin terminée en janvier! 
Les participant.e.s sont appelé.e.s à relire et à commenter l'oeuvre, pendant que l'éditrice entame la direction littéraire. 
Suivra le processus de révision/correction...